Pas si Mignonnes

Attention spoiler alerte.

Loin de moi de me prétendre être critique de film. Je ne suis qu’une simple spectatrice d’un film qui a fait et qui fait encore couler beaucoup d’encre. Manque de bol, il va en faire couler aussi sur ce post.

Alors, je vais éviter de rentrer dans la polémique Netflix et de son affiche outre atlantique. Ayant la chance d’avoir été en France pendant la promotion du film, je ne me suis pas laissé engouffrer par le tollé que la bande annonce ou encore l’affiche a pu susciter.  Je vais aussi ignorer les menaces faites à la réalisatrice #MaimounaDoucouré. Si vous connaissez son travail, alors vous savez que ses accusations ne sont pas fondées.

Alors #Mignonnes, ou Cuties en anglais, est un film coup de poing.  Il n’est pas fait pour un public amateur de magazines peoples ou qui fait des soirées rattrapages sur les Anges de Marseille (ou un truc du genre). C’est pour un public averti et qui est sensible aux intentions de la réalisatrice, donc coeur sensible s’abstenir.

Ce que je remarque avec ce film c’est qu’au-delà de l’émotion que la bande annonce a pu susciter, il divise aussi dans son interprétation: très peu de personne l’on comprit.

On suit l’histoire d’Amy, jeune collégienne dans un nouveau quartier qui essaye de se faire accepter. Jusque-là, rien d’alarmant. Après quelques rejets et humiliations, elle finit par obtenir la validation de la reine des abeilles et intègre donc son club de Twerk.

Tout y est: des pré-adolescents en chaleur a la recherche d’une identité, des crêpage de chignons, de la danse et de la musique Reggaeton en fond sonore. L’élément perturbateur en réalité c’est les réseaux sociaux: acteur ominipresent du film, qui construit et détruit le quotidien de ces enfants. Tout est une question de ‘bad buzz’ pour la génération Android, qui n’hésite donc pas a aller de plus en plus loin pour se sentir validée.

Dès le début du film, j’ai pu m’identifier à cette fille qui essaye tant bien que de mal de trouver sa place. Un peu comme Amy, je voulais me faire accepter. Comme elle, je me suis faites rejeter, chahuter et même humilier (les réflexions sur son manque de popotin ou la scène du sac qu’on balance avec toutes les affaires par terre m’est très familière). Mais la différence vient du fait que ma famille a été ma fondation, au moment où j’en avais le plus besoin. J’ai pu me reposer sur elle et elle n’a pas hésité à me remettre sur le droit chemin (à coup de ligogo #Team243) quand je déviais. Et surtout je n’avais pas les réseaux sociaux. Ces outils qui me connectent au monde mais aussi me pourrissent la vie, sur lesquels je passe beaucoup trop de temps. Telle une addict qui a besoin de sa dose, je passe de Twitter/Insta/Facebook ou encore Snap a la recherche du trip de plus. En tant qu’adulte j’ai un soit disant recul sur le sujet mais les enfants d’aujourd’hui n’ont pas ce luxe.

Dans une société où le monde est à portée de main et de clics, les parents sont souvent déconnectés de l’univers de leurs enfants, de ce qui les touchent ou même de ce qu’ils regardent. Par exemple, dans les clips de ma génération les chanteurs RnB faisait la sérénade à leur copine sous la pluie et en pleurant «One Wish».

Ce qui change des chansons très suggestives dont les enfants d’aujourd’hui ont accès en permanence sur leurs smartphones. Pour voir un clip de Lil Kim a mon époque, il fallait avoir MTV Base et attendre la version Uncensored à partir de 22:30 pour le FC CoucheTard. Mais Lil Kim n’était pas un modèle de vertus, donc pourquoi s’attendre à ce que C*rdi B ou Ari*na Gr*nde le soit? Depuis quand les célébrités sont-elles devenues des modèles sur lequel nos enfants sont sensé prendre exemple ? Sommes-nous devenus si médiocres pour qu’une K*lie Jenn*r devienne une source de réussite pour nos jeunes filles ?

Alors que font les parents dans tout ça, vous me direz.

Dans le film, en plus de gérer les problèmes de son foyer, la mère, totalement dépasser par la situation, n’a tout simplement pas le temps de gérer les émotions de sa fille (ou peut être n’a-t-elle aucune idée de comment gérer cette situation) Elle voit sans voir, trop aveuglée par ces propres soucis. Elle-même subit ses propres pressions culturelles et sociales. Le regard de la communauté est tout aussi présent et pesant que celui des followers d’Amy. Belle parallèle.

La pression de la culture, qui est TRÈS présente dans le film : la scène ou la mère doit appeler ses amies pour annoncer l’arrivée de sa co-épouse , cette tante qui surveille ses faits et gestes… C’est une performance au quotidien, de vouloir montrer que tout va bien alors que tout va mal. Nous sommes d’excellents acteurs (et encore) mais nos enfants eux ne savent plus distinguer le vrai du faux, le réel du virtuel.

Ce que le film met en exergue c’est notre faute collective, à nous les adultes. Nous avons sexualisé cette société à tel point que nos enfants reproduisent ce que nous consommons.  C’est dur de voir « the Monsters we’ve made ». Voir les scènes où les petites se trémoussent était un supplice: car ce sont des enfants qui essayent d’imiter les grandes avec beaucoup trop de justesse. Ces enfants nous copient et l’image qu’ils nous renvoient perturbe. L’effet miroir est écœurant et je comprends les détracteurs du film. Mais pour ceux et celles qui disent que le film risque d’attirer les pédophiles,  ces criminels n’ont pas attendus la sortie d’un film pour faire ce qu’ils font…

Certes, le monde de la technologie avance très vite et que sans doute, certains grands de ce monde ont un agenda ou ils sacrifient l’innocence de nos petits, mais ne faisons pas l’autruche sur le monde qui nous entoure. Ne nous cloitrons pas dans les églises ou les mosquées en pensant que la-bas, le monde y est plus doux. Toutes ces images suivent les enfants peu importe où ils se trouvent: la scène où Amy regarde ces clips dans une salle de prière en est un parfait exemple. Et la scène où sa mère et sa tante lui font un “exorcisme”prouve que nos réponses sont souvent a coté de la plaque et que l’on mélange tout, mais ça c’est un autre sujet. Ne nous couvrons pas les yeux sur les erreurs que nous commettons car on ne récolte que ce que l’on sème.

Qu’avons nous semé pour nos enfants ? Et surtout, avons-nous arrosé cette semence ou est-ce aux réseaux sociaux de faire le reste du travail?

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